J’avais rêvé ce moment depuis si longtemps, pourtant, mes pas, mon cœur, tout mon corps se fait lourd quand j’avance sur la scène… Le rideau est fermé, les techniciens font un changement de scène, rien de très particulier mais c’est pour faire de l’espace. Je sens une pression monstrueuse montée, peut-être que j’aurais quand même dû manger avant de venir ? Haha, qu’est-ce que je raconte, je suis un dragon ! Je ne suis pas un humain faible. S’il y a un chasseur ? Dans le pire des cas, je le dévore, on est beaucoup plus puissant qu’eux, non ? Pourquoi est-ce qu’on devrait avoir peur d’eux ?! Ce n’est pas le sujet. D’ailleurs, je profite de ce petit moment pour faire ENFIN ma grande promo : une photo de moi dans les « backstage », dans ma forme semie-draconique, que je poste évidemment sur mes réseaux ! Les gens ne pourront pas se déplacer mais, au moins, ils pourront changer de chaîne pour les prochaines minutes, l’évènement est bien diffusé ? Au moins en local ! Haha, il y aura toujours les vidéos sur Internet. Voilà, tout le monde est au courant maintenant.

Je tiens mon rêve entre mes mains, je suis place, le micro dans les mains, tout est prêt, ma playlist, les sons, les paroles dans ma tête… Tout est prêt, et tout sera grandiose ! Enfin, ça aurait pu être beaucoup plus grandiose avec une magnifique entrée en scène mais… Il n’y a pas  beaucoup de budget hein, on se contentera de la fumée et des faux éclairs réalisés par les stroboscopes ! Non non je ne suis pas assez fou pour faire mes propres éclairs !
… Oui, même moi j’ai mes limites.

Mon rêve… et pourtant. Pourquoi est-ce qu’une part de moi veut tout arrêter… ? Est-ce ça qu’on appelle de la culpabilisation ? Euh, culpabilité ? Je me perds quelques secondes dans mes pensées, commençant à douter, et ce n’est que quand l’ingénieur son me fait signe et me donne le top départ que je reviens dans la réalité… Là, derrière ce rideau, il y a tout une foule, toute une salle qui n’attend qu’une chose : MON show. Alors, c’est avec le trac montant, mes jambes toutes flagada que j’entendais les premières notes de musique se lancer, le rideau monter et les lumières des projecteurs qui m’aveuglaient… Et d’un coup, les premières paroles un peu fébriles sortaient de MA bouche.
C’était moi, Dragon Shain qui chantait, je pouvais enfin être là en vrai et à partir du moment où mon premier pas en dehors de la fumée était éxécuté tout disparu autour de moi, mes problèmes, ma condition de dragon tout… pour la première fois de ma vie je me sentais réellement libre, j’oubliais tout il ne restait que moi, moi et ma chanson, moi et le public… Il n’y avait plus rien autour et c’était un sentiment indescriptible… J’étais comme libéré d’un poids.

Je chantais avec émotion avec joie, les premières minutes avaient été timides, mais plus la chanson avançait et plus je prenais de l’espace, j’arrivais à m’approprié l’espace scénique comme tout chanteur ferait… C’était assez bizarre d’avoir une oreillette avec sa propre voix qui ressort, ce n’était pas la première fois, en studio c’était un peu la même chose mais… Là, c’était particulier, surtout avec le bruit de la foule qui tapait en rythme aussi ! Evidemment, il n’y avait pas beaucoup de personne qui chantait en même temps, ça aurait été génial ceci-dit… Il y avait des petites voix rapidement étouffée mais c’était tout. Et honnêtement, j’étais beaucoup trop concentré sur ma voix, mes paroles et la scène où je m’étais mes pieds pour être totalement attentif. J’avais l’impression de ne pas « vivre » cette joie, une part de moi était un peu spectatrice de tout ça mais en même temps, les sensations étaient bien présentes !
La première chanson terminée me fit un électrochoc, me ramenant subitement à la réalité… Je l’avais vraiment fait ? Réellement… ? Je pouvais enchaîner trois chanson en tout, c’était parfait, une ancienne chanson, une récente et une toute nouvelle, parfait. Surtout que je l’avais tout juste fini, j’avais un peu peur du trou noir pour la dernière mais… Je vais y arriver.

Et c’était au tour de la dernière. Jusque-là, tout s’était plutôt bien passé. Et arrive la dernière chanson, sûrement la plus… sincère de mon répertoire, celle où je me livre le plus. Les paroles étaient assez générales, tout le monde pouvait se l’approprier pour son histoire mais… si on décryptait le sens caché, je parlais de l’amour de mon père et de ma mère, un amour si pur avec l’être qui s’éteins un jour, avec le rêve de revoir un jour cet être aimé, quand on sens sa mains caresser sa joue, la douceur d’un sourire et la chaleur de ses mots… Comme si ç chaque phrase c’était des milliers de caresse qui sortaient… Oui, même si c’était difficile parfois, je ressens encore aujourd’hui l’amour de ma mère sur mes épaules. Un amour si pur…
Peut-être même que Shade aussi, pourra ressentir un peu de cet amour… L’amour de sa mère hein ! Pas mon amour… Enfin si je l’aime mais… Enfin bref.

D’ailleurs, l’émotion m’envahi peu à peu et, en voyant la salle se calmer et la vague « de lumière » valser, j’en déduis presque que mon pouvoir s’est peut-être déclenché… Est-ce qu’ils partagent ce sentiment… Un sentiment si doux et si triste en même temps.

Je termine petit à petit ma chanson… Et là, je me rends compte de ce que j’ai fais : je viens de chanter sur scène. Je suis monté sur scène. Je suis essoufflé, les larmes aux bords des yeux, en vérité, je ne pense pas encore réellement réaliser ce qu’il vient de se passer… Je sens juste mon cœur s’accélérer et au moment des applaudissements, au moment où la foule commence à s’exciter un peu à nouveau, je sens vraiment plein d’émotion se partager… J’ai envie de continuer, encore, une dernière, peut-être mais je n’ai plus qu’à saluer… Alors je commence un peu à rire tout seul et je lève le bras pour « saluer la foule ». Les larmes se font un peu plus grande et au même moment, je lève la main pour former un « V » avec les doigts, un message direct pour Shade :

- On l’a fait !

Oui, je venais de m’adresser directement à lui devant toute la salle et, se perdant dans les applaudissements, je continuais à rire, presque nerveusement, la pression retombée petit à petit… Et le rideau retombait doucement… Là, ce fut la rechute totale et sans que je ne me rendes compte, des petits éclairs venaient de sortir de mes mains, autour de mon corps… Je sursautais légèrement, le rideau était-il descendu totalement ? Je voyais l’ingénieur son courir vers moi :

- Vous allez bien ?! C’était quoi ça ? Un problème de courant ?!

Je ne pouvais que rire nerveusement à ces questions, encore un peu perdu dans mes pensées et encore légèrement dans l’émotion… mes larmes qui commençaient à couler toutes seules… Et maintenant, je devais courir rejoindre Shade !

- J-je… euh… Oui ! J-je… merci ! lançais-je avant de courir rapidement hors de la scène.

J’essayais de me contrôler, mais des petits éclairs restaient autour de mes mains, essayant de les cacher, je me mis alors à courir pour rejoindre Shade… C’était tellement impressionnant que je sentais mon cœur battre rapidement…